L’activité commerciale peut être exercée de deux manières juridiquement distinctes, sous la forme individuelle ou sous la forme de groupement, chacune de ces modalités ayant un régime juridique spécifique.
L’exercice de l’activité individuelle se caractérise, entre autres, par le fait que l’entrepreneur individuel bénéficie de la plénitude des pouvoirs dans la gestion de son entreprise. Cet avantage présente, néanmoins, un inconvénient non négligeable qui est que l’entrepreneur est responsable sur la totalité de son patrimoine, y compris, donc, sur ses biens personnels. C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu des mécanismes de protection légale visant à limiter la responsabilité de l’entrepreneur et à préserver son patrimoine personnel, parmi lesquels le statut de l’entrepreneur à responsabilité limitée (EIRL).
Qu’est-ce que le statut de l’EIRL ?
Le statut de l’EIRL a été créé par une loi du 15 juin 2010 et récemment réformé par la loi PACTE du 22 mai 2019. Régi par les articles L. 526-5-1 et suivants du Code de commerce, il peut être adopté par toute personne physique exerçant une activité indépendante en son nom propre, qu’elle soit agricole, artisanale, commerciale ou libérale, lors de la création de son entreprise ou, plus généralement, à tout moment.
Quelles sont les conséquences de l’adoption du statut de l’EIRL ?
Le statut de l’EIRL permet à l’entrepreneur de dissocier son patrimoine professionnel de son patrimoine personnel et ce sans qu’il ne soit nécessaire de créer une personne morale.
Concrètement, l’entrepreneur va disposer d’un, voire plusieurs en cas de pluralité d’activités, patrimoines professionnels, également appelés « patrimoines d’affectations » ou « affectés », dédiés à son activité, et d’un patrimoine personnel, ou « non affecté », consacré, quant à lui, à sa vie personnelle.
De quoi le patrimoine professionnel est-il composé ?
L’article L. 526-6 du Code de commerce précise les éléments qui composent le patrimoine professionnel. Il s’agit de l’ensemble des biens, droits, obligations* ou sûretés* dont l’entrepreneur individuel est titulaire et qui sont nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle.
Par ailleurs, la composition du patrimoine d’affectation doit obéir à deux principes. Premièrement, il existe un principe d’exclusivité selon lequel les biens, droits, obligations ou sûretés de l’entrepreneur sont affectés à un seul patrimoine. Ils ne peuvent à la fois faire partie du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel. De même, en cas de pluralité de patrimoines professionnels, ils ne peuvent faire partie de plusieurs de ces patrimoines.
Deuxièmement, il convient de respecter le principe d’affectation obligatoire selon lequel le patrimoine professionnel doit être composé de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires et utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur. Il s’agit de s’assurer que ce dernier ne réduise pas à outrance le droit de gage* de ses créanciers en limitant, de manière artificielle, la composition de son patrimoine professionnel.
En quoi le statut de l’EIRL est-il protecteur ?
Le statut de l’EIRL entraîne une séparation des patrimoines de l’EIRL et permet de protéger son patrimoine personnel.
En revanche, cette séparation n’est opposable* qu’aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à l’affectation des biens au patrimoine professionnel. Il faut donc les distinguer les créanciers dont les droits sont nés postérieurement à l’affectation.
- Situation des créanciers dont les droits sont nés après l’affection
Pour les créanciers dont les droits sont nés après l’affection, la séparation des patrimoines s’applique. Dans ce cas, il faut distinguer deux catégories de créanciers. Les créanciers professionnels d’une part, c’est-à-dire ceux dont les droits naissent à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle et qui ont pour seul droit de gage le patrimoine professionnel. Les créanciers personnels d’autre part, dont les droits naissent dans le cadre de la vie personnelle de l’entrepreneur et qui ont pour seul droit de gage le patrimoine personnel.
Prenons l’exemple d’un entrepreneur qui souscrit un emprunt pour financer, dans le cadre de son activité, l’achat de matériel. S’il ne le rembourse pas, l’établissement de crédit pourra saisir l’ensemble des biens constituant son patrimoine professionnel. En revanche, il ne pourra pas saisir ses biens personnels, comme sa résidence secondaire ou son véhicule familial par exemple.
À l’inverse, si l’entrepreneur contracte un prêt pour acheter un véhicule familial et qu’il ne le rembourse pas, la banque pourra saisir le véhicule ou tout autre bien personnel, mais ne pourra pas saisir ceux relevant de son patrimoine professionnel comme le matériel ou la marchandise nécessaires à son activité.
- Situation des créanciers dont les droits sont nés avant l’affection
En revanche, pour les créanciers dont les droits sont nés avant l’affectation, la séparation des patrimoines est sans effet. Qu’ils soient professionnels ou personnels, ils peuvent saisir l’intégralité du patrimoine de l’entrepreneur.
Ainsi, si ce dernier ne rembourse pas le prêt contracté dans le cadre de son activité, pour financer l’achat de matériel par exemple, l’établissement de crédit pourra, outre le matériel et la marchandise, saisir son véhicule personnel ou sa résidence secondaire.
Quelles sont les formalités pour bénéficier de ce statut ?
L’entrepreneur qui souhaite bénéficier du statut de l’EIRL doit en faire la déclaration auprès du registre légal auquel il est tenu de s’immatriculer (le registre du commerce et des sociétés pour un commerçant et le répertoire des métiers pour un artisan). Pour l’entrepreneur qui n’est pas soumis à une obligation d’immatriculation, c’est-à-dire le professionnel libéral ou l’agriculteur, la déclaration se fait auprès du greffe du tribunal de commerce ou de la chambre de l’agriculture.
La déclaration est assortie d’un état descriptif des biens affectés au patrimoine professionnel et précise leur valeur vénale ou, à défaut, leur valeur d’utilité.
Par ailleurs, il convient de noter que les biens immobiliers font l’objet d’une procédure particulière. Leur affectation est subordonnée à un acte notarié et doit être publiée au bureau des hypothèques.
Une fois le patrimoine constitué, l’inscription ou le retrait en comptabilité d’un bien, droit, obligation ou sûreté emporte affectation à l’activité professionnelle ou retrait du patrimoine affecté
Quelles sont les limites du statut de l’EIRL ?
Si le statut de l’EIRL constitue une protection efficace du patrimoine personnel de l’entrepreneur, il présente néanmoins deux limites, l’une économique, l’autre juridique.
D’un point de vue économique, la réduction du droit de gage des créanciers constitue un frein au financement et à l’octroi de crédit.
Sur le plan juridique, l’article L. 526-12 du Code de commerce prévoit que l’entrepreneur individuel perd le bénéfice de la séparation des patrimoines, c’est-à-dire redevient responsable sur la totalité de son patrimoine, y compris ses biens personnels, en cas de fraude ou de manquements à ses obligations, notamment comptables.
Lexique
* Le droit de gage est la prérogative dont disposent les créanciers du débiteur sur l’ensemble de ses biens présents et à venir. Autrement dit, cela correspond à l’ensemble des biens qu’ils peuvent saisir dans l’hypothèse où leurs créances ne sont pas payées.
* Une obligation est un lien de droit par lequel une ou plusieurs personnes, que l’on appelle débiteur(s), est ou sont tenue(s) d’une prestation envers une ou plusieurs autres personnes, que l’on appelle créancier(s).
* Une sûreté est une garantie fournie à un créancier pour le paiement d’une dette à l’échéance malgré l’insolvabilité du débiteur.
* L’opposabilité est l’aptitude d’un droit, d’un acte ou d’une situation à produire des effets vis-à-vis des tiers, c’est-à-dire à l’égard de ceux qui ne sont ni titulaires du droit, ni parties à l’acte, ni concernés par la situation.
Dans notre prochain article dédié aux questions juridiques, nous vous proposerons d’en savoir plus sur la notion de fonds de commerce. En attendant, savez-vous que vous pouvez réaliser une étude sur le trajet domicile-travail de vos salariés grâce à Mes Employés ? 😉